Emploi des seniors : état des lieux
Maintenir les emplois des seniors et de facto valoriser et transmettre leur savoir faire est une priorité du Gouvernement actuel.
C’est d’ailleurs l’un des objets de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (L n°2008-1330, 17 déc. 2008) qui impose aux entreprises un changement radical de politique et de mentalité vis-à-vis des salariés âgés.
Toutefois, des mesures existaient d’ores et déjà en faveur du maintien de l’emploi des seniors.
Alors, finalement, cette nouvelle loi sera-t-elle plus persuasive que les mesures précédentes ? Quels sont ses apports ?
Les mesures incitatives d’ores et déjà existantes
– Réforme des retraites
Depuis la loi du 21 Août 2003, la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein est à compter de 2009 augmentée d’un trimestre par an pour atteindre 41 ans en 2012.
Jusqu’à 2009, une retraite pouvait être liquidée à taux plein dès lors que le salarié présentait une durée d’assurance de 160 trimestres soit 40 annuités.
– Disparition des préretraites progressives
La convention de préretraite progressive conclue entre l’État et l’entreprise permettait aux salariés âgés d’au moins 55 ans qui le souhaitaient de transformer leur emploi à temps plein en emploi à temps partiel et de percevoir une allocation complémentaire jusqu’à l’âge de la retraite.
En contrepartie, l’employeur s’engageait soit à recruter un ou plusieurs demandeurs d’emploi, soit à diminuer le nombre de licenciements économiques.
La loi portant réforme des retraites a prévu la disparition de ces préretraites progressives à compter du 1/1/2005.
– La disparition de la contribution Delalande
Créée en 1987, il s’agissait d’une taxation sur les licenciements de salariés âgés de 50 ans et plus.
Cette contribution prenait la forme suivante : tout licenciement d’un salarié âgé de 50 ans et plus obligeait l’entreprise à l’origine de cette rupture a verser parallèlement un certain nombre de mois de salaire aux ASSEDIC en raison du risque de chômage long terme qu’elle créait ce faisant.
Cela pouvait aller jusqu’à 6 mois de salaire.
Le but étant naturellement de dissuader les entreprises de se séparer de leurs salariés âgés.
Or, cette disposition avait également un effet pervers : elle dissuadait également l’embauche des salariés âgés.
En effet, les employeurs avisés de ce qui leur en coûterait s’ils devaient se séparer de salariés âgés, y réfléchissaient de facto à deux fois avant d’embaucher un salarié de 50 ans et plus.
Après avoir été renforcée en 1992, cette contribution a finalement été abrogée au 1er Janvier 2008 dans le but d’inciter les employeurs à embaucher sans pression des salariés âgés de 50 ans et plus.
Apports de la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009
– ‘Travailler plus longtemps pour gagner plus’
La loi prévoit tout d’abord des incitations financières destinées à inciter les seniors à travailler plus longtemps.
Ainsi, la loi a supprimé le plafond de ressources applicable en cas de cumul d’un emploi et d’une retraite à taux plein.
Cela signifie qu’un retraité peut désormais disposer de revenus bien supérieurs à ceux perçus précédemment, à condition qu’il ait attendu, pour demander sa pension, d’être âgé de 65 ans, ou d’avoir la durée d’assurance requise entre 60 et 65 ans.
A noter que l’attribution de la pension du régime de base n’est plus subordonnée à la cessation définitive de la dernière activité professionnelle exercée.
Il faudra toujours y mettre fin pour pouvoir percevoir sa retraite, mais elle pourra ensuite être reprise, et ce, sans délai.
S’agissant des salariés qui décideront d’ajourner la liquidation de leur pension, à titre de faveur ils verront le montant de leur pension majoré de 5 % par an.
Voici donc deux mesures qui devraient inciter les seniors à prolonger leur durée de présence sur le marché du travail.
– Plus de mise à la retraite d’office avant 70 ans
Jusqu’à présent les entreprises pouvaient mettre d’office à la retraite leurs salariés âgés de 65 ans et ce quelque soit leur nombre de trimestres d’assurance vieillesse.
De facto, certains seniors se retrouvaient à la retraite mais sans avoir droit à leur retraite à taux plein s’ils n’avaient pas cotisé 40 annuités.
Ces personnes n’avaient alors que deux issues :
– reprendre un emploi pour atteindre leurs 40 ans de cotisations,
– ou liquider leur pension alors même qu’ils n’avaient pas leurs 40 annuités, ce qui signifie de facto que leurs pensions se trouvaient amputées à vie.
Désormais, les entreprises ne peuvent plus, en principe, mettre à la retraite d’office leurs salariés avant leur 70ème anniversaire, sauf dispositions conventionnelles contraires.
Les employeurs devront pour ce faire obtenir l’accord de leurs salariés en les interrogeant sur ‘leur intention de quitter volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse’ et ce 3 mois avant la date anniversaire de ses 65 ans.
A réception, le salarié dispose d’un délai de réflexion d’un mois pour répondre.
Cette procédure est à renouveler pendant les 4 années qui s’écoulent entre son 65ème et son 70ème anniversaire.
A défaut de cet accord, l’employeur s’expose à ce que le licenciement qu’il aura prononcé soit annulé comme étant discriminatoire car prononcé à raison de l’age du salarié.
Au-delà des 70 ans du salarié, l’employeur peut procéder à sa mise à la retraite sans autorisation.
Il s’agit donc d’une mesure très concrète.
– Engagements précis sur l’emploi des seniors
La Loi prévoit enfin que les entreprises de 50 salariés et plus doivent s’engager d’ici fin 2009 sur des objectifs précis et chiffrés en matière de recrutement et de maintien de l’emploi des seniors.
Pour ce faire, elles devront se fixer pour les 3 années à venir trois domaines d’action choisis parmi les 6 prévus par décret, à savoir :
– recrutement des salariés âgés dans l’entreprise,
– anticipation de l’évolution des carrières professionnelles,
– amélioration des conditions de travail et prévention des risques de pénibilité,
– développement des compétences et des qualifications et accès à la formation,
– aménagement des fins de carrière et de la transition entre activité et retraite,
– transmission des savoirs et des compétences et développement du tutorat.
Il faut, pour chaque domaine retenu, prévoir des objectifs chiffrés dont la réalisation est mesurée au moyen d’indicateurs.
Les décrets d’application ont été publiés tardivement puisqu’ils ne l’ont été qu’au JO du 21 Mai 2009 et ce sans que pour autant la date d’application de la pénalité des 1% susvisée n’ait été retardée.
De facto, les partenaires sociaux vont devoir agir et négocier dans la précipitation sur un sujet pourtant primordial.
Le décret n°2009-560 du 20 Mai 2009 précise que l’entreprise a le choix, en fonction de sa pyramide des âges, entre :
– la fixation d’un objectif de maintien dans l’emploi des salariés âgés,
– ou, au cas notamment où pendant la durée de l’application de l’accord l’entreprise ne compterait pas parmi son personnel pas de salariés âgés, la fixation d’un engagement de recrutement.
Le décret précise ce qu’il faut entendre par salarié âgé :
– 55 ans en matière d’engagement sur le maintien de l’emploi
– et 50 ans en matière d’engagement sur le recrutement.
A noter que la notion de maintien dans l’emploi doit s’entendre de la manière la plus large et de facto elle englobe notamment le portage salarial.
A défaut d’avoir conclu un accord sur ce point ou d’avoir élaboré un plan d’action, les entreprises devront payer à compter du 1er Janvier 2010 une contribution à l’URSSAF de 1% de leur masse salariale.
Toutefois, les entreprises dont l’effectif se situe entre 50 et 299 salariés ne rentrent pas dans le champ d’application de cette pénalité de 1% dès lors qu’elles seront couvertes par un accord de branche traitant des thèmes susvisés et à condition que cet accord soit étendu et ait reçu un avis favorable de conformité aux exigences légales du Ministre chargé de l’emploi.
Cette dernière mesure est plus théorique que les deux précédentes mais doit amener les entreprises à penser le maintien et/ou l’emploi des seniors, ce qui constitue un véritable bouleversement.
On va vers une plus grande responsabilisation des entreprises en matière sociale.
Notamment par rapport à la contribution DELALANDE, on ne tape plus sur les doigts de l’employeur, on lui demande d’être acteur et actif, d’anticiper dans le maintien des seniors dans le monde du travail et de comprendre en quoi il s’agit d’un enjeu national.
S’il existe une sanction quant au défaut de mise en place d’un accord sur 3 ans sur ce thème, reste à savoir comment les partenaires sociaux vont verrouiller les accords de sorte à ce que le contenu des accords et plans d’action ne soit pas uniquement des déclarations d’intention.
Ainsi, il est important que les partenaires sociaux prévoient des pénalités pour les entreprises qui nonobstant leurs engagements ne respecteraient pas leurs indicateurs chiffrés.
A cet égard, le problème du suivi des plans ou accords est donc un point fondamental.
Sur ce point, le décret précise que les accords d’entreprise ou de groupes déterminent librement leurs modalités de suivi.
Ce suivi peut être assuré soit par le CE soit par une commission ad hoc dont la composition et les modalités de fonctionnement sont définies par l’accord.
Il incombera donc au CE ou à cette commission ad hoc le cas échéant de tirer la sonnette d’alarme si les engagements pris dans le cadre de la négociation collective ne sont pas suivis par l’entreprise et n’ont été pris finalement que pour remplir une obligation légale et ce faisant échapper à la pénalité des 1%.