Faits anciens : prise d’acte ou demande de résiliation judiciaire ?
Récemment, la Cour de cassation a rendu concomitamment 2 arrêts apparemment contradictoires :
– Le 9 décembre 2015 : la cour de cassation refusait de prononcer une résiliation judiciaire pour des manquements anciens de l’employeur mais qui n’avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail
– Le 11 décembre 2015 : en revanche, elle a favorablement accueilli la prise d’acte pour harcèlement moral d’un salarié absent pour accident du travail depuis un an et demi de l’entreprise nonobstant l’ancienneté des manquements de l’employeur.
Quezako ???
Sur le moment, j’ai cru à une blague de la Cour de cassation.
Mais en m’y reprenant à deux fois, j’ai compris que les 2 affaires étaient très différentes et que leur traitement différencié était justifié.
En effet :
– Dans la première affaire, la salariée avait dénoncé des faits certes graves (ne pas avoir bénéficié d’entretien d’évaluation ni de formation en 30 années) mais qu’elle avait nonobstant continué à venir travailler jusqu’à son licenciement pour inaptitude : la poursuite du contrat de travail n’était donc pas rendue impossible du fait des manquements de l’employeur
– En revanche, dans la seconde espèce, le salarié a été manifestement absent pendant 1,5 ans et ce jusqu’à sa prise d’acte pour harcèlement moral : la poursuite du contrat de travail étaient rendue impossible du fait des manquements de l’employeur et pour preuve puisque le salarié ne revenait pas travailler !
Ces 2 décisions confirment une chose : la résiliation judiciaire et la prise d’acte sont toutes deux motivées par la faute grave commise par l’employeur c’est-à-dire des manquements de l’employeur d’une gravité telle qu’elle impose la cessation immédiate de la relation de travail.
Dans la première affaire, la salariée a continué de venir travailler donc les faits n’étaient apparemment pas si intolérables.
Alors que dans la seconde, le salarié est demeuré salarié mais son contrat de travail a été suspendu pendant 1,5 ans de sorte qu’il n’a plus remis un pied dans l’entreprise prouvant par là que le comportement de l’employeur, même ancien d’un an et demi, rendait impossible le retour au travail pour le salarié.
Alors ?
Est-ce à dire qu’on ne peut demander la résiliation judiciaire que lorsqu’on est placé en arrêt maladie ? éloigné de l’entreprise ?
Pas forcément.
En revanche il faut que ce soit sur des faits qui ont rendu impossible votre retour dans l’entreprise au poste en question.
On peut imaginer que vous ayez été contraints de demander une mutation sur un autre poste par exemple …
Par ces deux décisions la Cour rappelle que prise d’acte et résiliation sont à utiliser dans les cas extrêmes où le retour au poste est devenu intolérable et impossible du fait des manquements de l’employeur.
Ce qui n’est pas le cas si vous revenez travailler tous les jours comme si de rien n’était …
Arrêt de mort de la résiliation judiciaire ? Rupture demandée au Conseil de prud’hommes tout en continuant de travailler.
Porte ouverte à la multiplication des arrêts maladies long terme ?
A suivre.